10/06/2018 - 30/09/2018
Horaires: 
14h - 18h du mercredi au vendredi / 14h - 19h samedi et dimanche
Vernissage: 
Samedi 9 juin à 18h30

Frac Franche-Comté, Cité des arts, 2 passage des arts, 25000 Besançon
03 81 87 87 40

Olivier Vadrot, Minimo

Créateur du Studiolo, l’accueil-librairie du Frac inauguré en février 2018, Olivier Vadrot (architecte, designer et scénographe) est invité par le Frac à présenter l’ensemble de ses différents projets sous forme de maquettes et de documents au sein d’une exposition intitulée Minimo dont il a conçu la scénographie.

Ces projets qui revisitent les architectures du passé, de l’antiquité à Le Corbusier en passant par les théâtres palladiens, leur opposent cependant une économie de moyens en privilégiant des matériaux simples voire vernaculaires, des échelles modestes, la légèreté, le nomadisme, le temps court voire des réalisations éphémères. Qu’il s’agisse de dispositifs conçus pour la diffusion d’oeuvres (visuelles ou sonores) ou comme tout dernièrement d’un four à pain communal, les propositions d’Olivier Vadrot ont pour finalité le partage, en permettant à leurs utilisateurs de se tenir ensemble, sans préséance spatiale et donc sociale. Des architectures non autoritaires en somme.

Olivier Vadrot, Minimo

Olivier Vadrot a eu très tôt le sens du collectif. Architecte, designer, scénographe, mais aussi commissaire d’exposition, il mêle toutes ces pratiques depuis ses débuts. Lui qui fut en 1999 l’un des créateurs de la galerie la Salle de bains à Lyon, a rapidement fondé Cocktail Designers avec l’un de ses confrères et deux graphistes pour proposer des réalisations qui revisitaient la notion de décor « comme lieu d’expérimentation commun à l’art, à l’architecture, au design et au graphisme ».
Dans ce cadre, Olivier Vadrot a conçu l’un de ses premiers dispositifs d’écoute collective, Le kiosque électronique (2004), qui interrogeait déjà la position du spectateur-auditeur et réinventait d’autres formes de partage.

Cette problématique n’a cessé de nourrir les recherches d’Olivier Vadrot et a présidé à ses choix de commissaire d’exposition. C’est ainsi qu’en 2015, il fut invité par le Frac Franche-Comté à présenter l’exposition de Francis Cape, We sit together : bancs d’utopie.
Cette installation est composée de bancs réalisés en bois de châtaignier qui sont l’exacte copie de bancs de communautés européennes s’inscrivant peu ou prou dans l’héritage de Charles Fourier. Car le banc est un siège démocratique. Assis sur un banc, nul ne domine l’autre. Et c’est pourquoi il fut longtemps l’assise de prédilection des communautés.

Au travers de l’exposition de Francis Cape, dont il n’a cessé d’organiser l’itinérance de Besançon à Saint-Etienne, Reims, Bruxelles, Newcastle ou Bordeaux en passant par le Familistère de Guise, Olivier Vadrot se mettait au service d’un artiste - attaché aux thèses de William Morris, fondateur d’Arts & Craft au XIXe siècle – dont il partage notamment la philosophie mais aussi l’intérêt pour l’artisanat.

Le banc sous toutes ses formes est aussi une forme récurrente dans les réalisations d’Olivier Vadrot. Il a ainsi décliné ce siège pour plusieurs dispositifs d’écoute dont Laptop fire (2009) ou Pentélique (2016). Le premier se présente comme un meuble bas pentagonal sur lequel nous sommes conviés à nous asseoir en nous faisant face comme on le ferait autour d’un feu de camp. Il évoque le temps où l’on se réunissait autour de l’âtre pour écouter ensemble un conteur ou un musicien et ces moments de convivialité abolis par les écrans. Pour le Frac Aquitaine qui en a fait l’acquisition, il est un outil de diffusion. Pentélique a été conçu pour l’exposition Max Feed présentée au Frac Franche-Comté en 2016. Il se compose de deux dispositifs distincts. Le premier est une longue assise constituée d’une enfilade de sièges dos-à-dos permettant d’écouter une composition sonore de Sébastien Roux. La seconde est la résultante du fractionnement de cette même assise en morceaux inégaux susceptibles d’être déplacés dans l’espace par le visiteur, afin d’expérimenter une pièce sonore de Max Neuhaus. L’ensemble s’inspire des trônes en pierre découverts par les archéologues sur le site d’Ikarion, près d’Athènes.

Cet intérêt pour l’histoire de l’architecture préside au demeurant à bien d’autres pièces d’Olivier Vadrot comme Circo Minimo, 2012 (version miniature du Circus Maximus romain) ou Tribunes (2015), où il interprète la forme des gradins, autre déclinaison du banc.

Ces oeuvres rappellent aussi les théâtres en bois construits en Grèce avant le IVe siècle (av.J-C).

Mais ce n’est pas sans ironie qu’Olivier Vadrot revisite le petit théâtre construit en béton par Le Corbusier sur les toits de sa Cité Radieuse ; ce chantre de l’architecture moderniste était adepte des ensembles certes communautaires mais qui se révélèrent invivables par leur échelle et réducteurs pour les corps. Réinventé dans Tribunes par Olivier Vadrot qui en a repensé l’ergonomie, le théâtre immobile de le Corbusier, composé d’un haut mur et de gradins, devient un dispositif en bois nomade et multifonctions (scène, cimaise, assise, socle, bureau etc.) pouvant servir de support dans le cadre de différents usages (conférence, lecture, discours, performance, réunion, exposition etc). Par ailleurs l’échelle de Tribunes est proche de celle d’une sculpture et n’est pas, dans cette ambivalence, sans évoquer les sculptures modulaires « skatables » de Raphaël Zarka, récemment exposées elles aussi au Frac Franche-Comté.

Le Corbusier / Vadrot : deux façons opposées en somme de rejouer l’architecture passée et d’en repenser les usages.

L’ensemble de ces propositions s’inscrit dans une oeuvre qui revisite non seulement les dispositifs scéniques (comme en attestent d’autres projets tels La Veille, 2013) mais aussi muséographiques, ces derniers étant destinés à la présentation d’oeuvres plastiques.
Qu’il s’agisse de Coulisses (2013) pour le Frac Aquitaine, ou bien de Totem et Tatoo (2014) pour la galerie des enfants du Centre Pompidou, Paris – on retrouvera des partis-pris analogues qui contrastent avec les gestes architecturaux de nombreux musées prestigieux construits de par le monde. Ainsi, Coulisses, Totem et Tatoo, Laptop Fire, Circo Minimo mais aussi Cavea (mobilier flexible et nomade permettant la programmation de conférences, tables rondes, workshop…), pour ne citer que ceux-là, sont des constructions de taille modeste en bois qui répondent à une nouvelle économie mais aussi à de nouveaux usages. Ils sont éphémères - ils peuvent être fabriqués à la demande pour des coûts modestes - ils sont légers et faciles à monter et à démonter y compris par des noninitiés, ce qui favorise leur mobilité. Pourtant, ils remplissent les mêmes fonctions que leurs homologues pérennes et gigantesques.

Mais les projets architecturaux d’Olivier Vadrot offrent bien d’autres possibilités. Ils répondent pour les institutions culturelles qui en font la demande à de nouveaux besoins. Il s’agit en effet, pour ces institutions dont la mission vise à la démocratisation de l’art et de la culture, de proposer avec ces dispositifs une forme de médiation qui ne passe plus par la délivrance d’un savoir universitaire et autoritaire mais par la conversation, le partage d’expériences.
Si ces dispositifs trouvent leurs racines dans des temps anciens avec les agoras et forums propices au débat démocratique, ils répondent au besoin de réinvention de notre société actuelle à l’heure du bilan catastrophique, tant sur le plan social qu’écologique, d’une économie dont la seule finalité s’est limitée à toujours davantage de croissance.

L’un des derniers projets d’Olivier Vadrot est un four à pain partagé pour les habitants de la commune de Nègrepelisse dans le Tarnet- Garonne, construction emblématique des valeurs de collectif et de partage. Ce projet s’inscrit dans le cadre d’une résidence au Centre d’art et de design La Cuisine dont la caractéristique est d’inviter des créateurs à questionner les pratiques du quotidien. Le four à pain conçu par Olivier Vadrot présente des similitudes avec un projet réalisé par Matali Crasset qui, pour la Biennale de Ljubljana (2017), a réinventé pour l’espace public le poêle de masse en céramique que l’on trouve dans les maisons en Alsace, en Europe de l’est, en Russie ou bien encore en Suède… Dans l’un et l’autre cas, il s’agit pour les designers de questionner des techniques et des savoir-faire ancestraux (avec son projet, Olivier Vadrot entend expérimenter et réhabiliter la brique dans la fabrication de voûtes, une technique aujourd’hui disparue dont l’intérêt patrimonial est notable) pour donner la possibilité à des pratiques communautaires vernaculaires de s’exprimer à nouveau. Il est vrai que ces deux créateurs se sont l’un et l’autre nourris des utopies sociales, utopies qu’ils convoquent pour inventer des dispositifs favorisant le vivre ensemble.

Les projets d’Olivier Vadrot revisitent les architectures du passé, de l’antiquité à Le Corbusier. Ils leur opposent cependant une économie de moyens en privilégiant des matériaux simples voire vernaculaires, des échelles modestes, la légèreté, le nomadisme, le temps court voire l’éphémère. Qu’il s’agisse de dispositifs conçus pour la diffusion d’oeuvres (visuelles ou sonores) ou d’un four à pain communal, les propositions d’Olivier Vadrot ont pour finalité le partage, en permettant à leurs utilisateurs de se tenir ensemble, sans préséance spatiale et donc sans domination sociale. Des architectures non autoritaires qui s’inscrivent dans un contexte où les questions de décroissance et d’environnement durable sont au coeur du débat collectif. De miniarchitectures en somme qui privilégient des valeurs communautaires en plaçant l’humain au coeur du projet.

Sylvie Zavatta

 

Olivier Vadrot, Minimo